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Le Recueil Factice
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Focus espaces 2 : La médiathèque de Pornichet

Nicolas Beudon
Voici mon deuxième "focus" consacré aux espaces en bibliothèque. Cette fois-ci, j'ai choisi de vous présenter un projet de réaménagement récent : celui de la médiathèque de Pornichet, en Loire Atlantique. J'ai demandé à Christelle Tripon, sa directrice, de me présenter sa démarche.

 Christelle, peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je suis Directrice de la médiathèque de Pornichet depuis 3 ans. Auparavant, j’étais Directrice du pôle culture et de la médiathèque de Donges, une ville de 8000 habitants en Loire-Atlantique.

Comment le projet de réaménagement de la médiathèque a-t-il vu le jour ?

A mon arrivée à Pornichet en juin 2019, la médiathèque venait de souffler ses 20 bougies. J’ai immédiatement constaté que si l’architecture de ce bâtiment de 950 m2 (dont 650m2 pour la partie médiathèque accessible au public) avait bien vieilli, son aménagement et son offre documentaire avaient un grand besoin d’actualisation.

J’ai eu la chance d’obtenir le soutien des élus de Pornichet qui ont attribué une enveloppe de 550 000 € HT (dont 210 000 € HT pour le mobilier) au réagencement de l’établissement. C’est donc avec toute l’équipe constituée de 8 agents que j’ai entrepris ce grand projet de service qui avait pour objectif à la fois d’améliorer l’attractivité du lieu mais aussi les conditions de travail.

Pour parler des choix de réaménagement que tu as réalisés avec ton équipe, commençons par le début, avec la zone d’entrée : peux-tu m’expliquer ce qui a changé ici ?

Repenser la zone d’entrée a été un point fort du projet. Il fallait faire table rase de ce qui existait, à savoir, une imposante et austère banque de prêt, placée dans des courants d’air, qui n’invitait ni à entrer ni à échanger avec les bibliothécaires. Dans le prolongement de ce dispositif très fermé ont trouvait un vaste espace presse qui réunissait l’essentiel des assises de la médiathèque (des tables et des chaises) et renvoyait dès l’entrée l’image d’un lieu pour les seniors.

Nous avons donc remplacé la banque de prêt par un point d’information et deux bornes de prêt/retour. Le but était de dégager l’entrée et la rendre plus ouverte donc plus accueillante. Quant à l’espace presse, il a fait place à un pôle bandes dessinées tous publics. L’idée était de montrer dès l’entrée la fonction multigénérationnelle du lieu et de faire écho à notre festival BD Pornichet Déam’bulle.

Je ne connais pas le modèle d’automates qui a été installé : d’où viennent-ils ?

Ces automates nous ont été fournis par FE Technologies, une société australienne qui s’est aussi implantée aux États-Unis et à Singapour et très récemment en France.

Ce qui a motivé notre choix, ce sont bien sûr le côté technique et fonctionnel des solutions proposées mais aussi l’esthétique et l’ergonomie des bornes : des écrans à encadrement lumineux format paysage, une interface animée par deux petits personnages (Bim et Bop) qui plaisent beaucoup aux enfants et surtout de larges tablettes pour poser les documents.

Dans les bibliothèques qui passent au prêt automatisé, le personnel a souvent peur de perdre le contact avec le public. Comment cela s’est-il passé ?

Il y avait évidemment des réticences. Ma philosophie a consisté à associer mes collègues dès le début à la réflexion sur le réaménagement. Nous avons été visiter des médiathèques récentes pour voir réellement un tel dispositif en fonctionnement et poser des questions. Après ces visites, l’automatisation a été une évidence, d’autant plus que tous souffraient de troubles musculo-squelettiques dû aux gestes répétitifs.

Comment se déroule l’accueil du public aujourd’hui ?

Nous avons opté pour un accueil en mode dynamique : tous les prêts et retours se font sur les bornes, placées de telle façon que l’agent au poste d’accueil ait un œil dessus et puisse accompagner les usagers dans l’utilisation des automates. L’agent est donc très mobile, il navigue entre son propre écran, et les bornes.

Pour permettre cela, nous avons installé un bureau peu encombrant (140 cm de largeur), réglable en hauteur électriquement afin de pouvoir alterner entre position assise sur les périodes creuses et debout quand la fréquentation est intense. En réalité, depuis la réouverture de la médiathèque, les agents restent toujours debout et apprécient cette nouvelle façon d’accueillir. Ils se sentent beaucoup plus proches des usagers et n’ont jamais autant échangé avec eux. Ces derniers semblent aussi apprécier cet accueil, beaucoup plus chaleureux qu’auparavant.

Le mobilier est fourni par IDM. Comment s’est déroulée ta collaboration avec cette entreprise ?

Un des points importants de notre cahier des charges pour le marché mobilier était la variété des assises. Nous voulions offrir à nos usagers le choix du confort selon leurs besoins (travail, détente, isolement, échange, partage, …) mais aussi créer des ambiances différentes d’un salon à l’autre. Le choix des couleurs et des formes du mobilier peut vraiment permettre d’identifier un espace au premier coup d’œil. D’où l’importance de varier les modèles d’assises. Par exemple, le salon de l’espace BD par ses formes rondes et carrées évoque les bulles et les vignettes des albums. Quant à ses couleurs, elles évoquent les costumes des super-héros américains.

C’est IDM qui a su le mieux répondre à cette attente, avec des pièces au design marqué qui permettent d’identifier les différentes zones de l’établissement. La qualité et la modularité du mobilier de médiathèque nous a séduit également. Enfin, étant donné que notre projet s’est fait sans AMO ni architecte, le petit plus a été l’accompagnement par une architecte d’intérieur d’IDM pour le choix des couleurs et des matières.

Au-delà du mobilier, tu as également travaillé la décoration (avec un poster et une silhouette de super-héros en BD, des peluches en jeunesse, une étagère en forme d’ours polaire pour les documents sur la nature, des éléments graphiques sur les murs…)

La décoration est essentielle pour créer les ambiances. Elle personnalise et identifie les différentes zones et contribue à l’appropriation des lieux par l’usager qui se sent « Comme à la maison ». Nos usagers nous disent que l’espace pour les tout-petits leur fait penser à une chambre d’enfant. Pourtant, il n’y a ni lit ni armoire. Mais quelques peluches, des couleurs bien choisies et un parquet suffisent à créer l’effet. Il est important de ne pas trop en mettre, juste envoyer quelques signes qui parfois sont plus parlants qu’une signalétique. Nous avons aussi fait le choix de ne pas décorer toutes les zones afin que les usagers puissent faire leur propre interprétation de ces espaces et se les approprier comme ils le souhaitent.

Au premier étage, il y a une zone qui m’interpelle : l’espace utilisé pour l’heure du conte. En médiathèque, ce type d’espace est traditionnellement séparé des autres, avec une isolation visuelle et acoustique. Ce n’est pas le cas ici ?

Auparavant, nous avions deux salles dédiées aux animations. Or, j’avais remarqué que lors des rendez-vous, seuls les participants voyaient qu’il se passait quelque chose dans la médiathèque. Certains usagers ne savaient même pas que nous organisions souvent des événements dans nos murs. L’intérêt de proposer des animations en médiathèque, n’est-il pas d’apporter une image dynamique au lieu, de surprendre ? En outre, ces deux salles étaient à 90 % du temps des espaces inutilisés.

Nous avons donc souhaité créer de l’animation au cœur des espaces et utiliser quotidiennement toute la surface de la médiathèque. Ce nouvel espace que nous appelons « Le salon » est donc une zone ouverte qui, hors animations, peut être investi par les usagers pour travailler, lire, se réunir, … Il nous permet d’organiser des événements visibles et ouverts à tous. Un usager de passage peut se joindre aux participants. Un rideau phonique nous offre toutefois la possibilité de fonctionner à huis clos pour certains rendez-vous comme les spectacles de contes.

Pour conclure, quelle est ta plus grande source de satisfaction dans ce projet ?

Ce qui m’enchante c’est d’avoir réussi à changer l’ambiance de cette médiathèque. Elle avait un cruel manque de convivialité, de chaleur et de jeunesse. Grâce à une réinvention totale du lieu, maintenant les générations se croisent et cohabitent, les jeunes viennent, les gens s’installent, restent, échangent, s’endorment même parfois. Les bibliothécaires sont plus accueillants et disponibles que jamais, ils ont le sourire et le communiquent aux visiteurs.

Merci et félicitations pour ce beau projet !

L’équipe de la médiathèque en mode chantier

Quelques idées à retenir

  • Pour un réaménagement comparable à celui de Pornichet, en 2022, prévoyez un budget mobilier d’environ 300 euros HT par m2.
  • La première impression marque durablement les esprits. C’est vrai pour les personnes comme pour les lieux. La zone d’entrée incarne l’identité de votre établissement : soignez-la et supprimez tous les obstacles inutiles à cet endroit (qu’ils soient physiques, visuels ou symboliques).
  • Le prêt automatisé n’est pas synonyme de perte de convivialité, au contraire : s’il est associé à un accueil repensé, il améliore l’expérience des usagers comme du personnel.
  • Les usages évoluent : les espaces actu/presse étaient conçus comme des zones dynamiques dans les médiathèques traditionnelles, où ils tenaient souvent lieu de « vitrines ». Aujourd’hui, ils sont principalement fréquentés par des seniors.
  • Du mobilier varié et des éléments de décoration bien choisis permettent de rendre l’espace plus lisible en créant des ambiances distinctes.
  • Une zone d’action culturelle modulable, inscrite au cœur des espaces plutôt que dans une salle séparée, permet de rendre vos évènements plus visibles par tous les publics.
  • Si vous ne pouvez pas être accompagné par un expert pour votre réaménagement, certains fournisseurs de mobilier disposent d’un bureau d’étude, avec des architectes qui peuvent vous conseiller. Les pré-études (proposition d’implantation, suggestion de mobilier, estimation financière) sont généralement gratuites.

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