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Le Recueil Factice
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Aménager des espaces inspirants

Nicolas Beudon
Des exemples de bacs cascade (mobilier discorama de BCI)
Ce billet vient conclure la série que j'ai démarrée il y a quelques semaines consacrée aux "4 espaces" en bibliothèque. Après les espaces de sociabilité, les espaces de travail et les espaces d'activité, il est temps de se pencher sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur (puisque j'y ai consacré un ouvrage entier) : les espaces inspirants.

Que veut dire « inspirant » ?

Avant de rentrer dans le vif du sujet, je dois clarifier deux points de vocabulaire : qu’est-ce qu’un espace « inspirant » et qu’est-ce que le « merchandising » ?

Au sens où je vais l’entendre dans ce billet, un espace inspirant est un espace qui permet aux bibliothécaires d’aider des usagers à trouver des documents, sans être présents en personne à leurs côtés. Lorsqu’on évoque la fonction de conseil ou de prescription des bibliothécaires, on pense immédiatement aux recommandations orales ou éventuellement écrites (sous forme de bibliographies par exemple). On oublie souvent que l’environnement physique est lui aussi un outil de médiation : des rayonnages saturés ou trop hauts, un plan de classement dépourvu de logique ou comportant des ruptures, des espaces mal signalés ou peu visibles, peuvent être décourageants pour le public. Au contraire, je qualifie « d’inspirant » un espace pensé et aménagé pour éveiller la curiosité, pour capter l’attention, pour stimuler les envies et faciliter les découvertes.

Ce type d’espace va être particulièrement utile aux usagers qui ne cherchent pas un document précis mais qui espèrent simplement faire une trouvaille en butinant. Or, on sait que ce profil est largement majoritaire en bibliothèque publique : des enquêtes réalisées aux États-Unis et aux Pays-Bas nous apprennent qu’il correspond à 70% des usagers.

Étant donné ce chiffre important, créer des espaces inspirants est un enjeu fort. Pourtant, en bibliothèque, nous n’avons pas beaucoup de bonnes pratiques sur lesquelles nous appuyer, ou plutôt elles sont la plupart du temps intuitives, peu formalisées et peu documentées. C’est pour cela que je vous propose, une fois encore, d’aller voir ailleurs. Dans mon billet consacré aux espaces de sociabilité, j’ai été puiser du côté de l’urbanisme. Lorsque j’ai abordé les espaces de travail, j’ai mentionné entre autres l’aménagement des lieux d’enseignement innovants. Cette fois, je vous propose d’aller chercher dans le monde du commerce des recommandations simples applicables en bibliothèque.

Pourquoi ce choix ? Tout simplement parce que les commerçants ont développé une discipline qui vise justement à créer des espaces inspirants : le merchandising. Ce terme (un peu barbare je vous l’accorde) désigne l’ensemble des techniques d’aménagement intérieur et de présentation des produits qui permettent, qui facilitent ou qui incitent les clients à faire leur choix sur un point de vente. Autrement dit : c’est exactement ce qu’il nous faut !

Évidemment, toutes les stratégies utilisées dans le commerce ne sont pas pertinentes en bibliothèque. La vitrine, par exemple, est un dispositif phare de merchandising, mais il est difficile à transposer dans notre univers professionnel : étant donné que nos documents sont généralement disponibles en exemplaires uniques ou très limités, on peut difficilement se permettre de les bloquer derrière une vitre… Mais les grands principes de merchandising (qui reposent sur de la psychologie de base) sont généralement valables en bibliothèque.

Ces clarifications étant faites, voyons comment le merchandising peut nous aider à rendre nos bibliothèques plus inspirantes.

Principe 1 : Rendre visible

Rendre les collections visibles

La première condition, avant même d’acheter un produit ou d’emprunter un document, est de savoir qu’il existe ! C’est la raison pour laquelle « rendre visible » est le principe de merchandising à la fois le plus élémentaire et le plus importantLe facing est la façon la plus simple d’augmenter la visibilité de vos collections. On sait depuis longtemps que des documents présentés de face sont 40% à 60% plus empruntés que les mêmes documents, situés aux mêmes emplacements, mais rangés de dos (source, source). Pour exploiter cet effet, essayez de conserver environ 30% de vide dans vos rayonnages pour faire du facing. Si vous avez des bacs, privilégiez les meubles en cascade qui maximisent le nombre de documents visibles.

Alors que la visibilité est un atout, inversement, un déficit de visibilité peut être un sérieux handicap. En magasin, les produits installés au ras du sol sont toujours les moins achetés. Le même phénomène a été observé en bibliothèque, y compris en BU (source) : étant donné que de nombreux usagers ne font pas de recherche dans votre catalogue, les documents situés sur le rayon du bas passent en fait « sous leurs radars ». Autant que possible, il faut donc éviter d’utiliser cet emplacement. Plus facile à dire qu’à faire, m’objecterez-vous… Si vous êtes contraint de ranger des documents à moins de 50 cm de hauteur, efforcez-vous au moins d’augmenter leur visibilité en les installant de face. Si votre mobilier le permet, vous pouvez également incliner les tablettes vers l’arrière de façon à ce que le dos des livres pointe vers les yeux des usagers (pour une raison mystérieuse, les fabricants français proposent rarement cette fonction, très fréquente sur le mobilier étranger). Si vous n’utilisez pas le rayon du bas, pour éviter un vide disgracieux à ce niveau, privilégiez les gammes de mobilier qui remplacent le niveau inférieur par un socle en forme de banc. Ce design très répandu en librairie mériterait de mon point de vue d’être davantage développé en bibliothèque.

Du mobilier remplaçant le rayon du bas par des bancs (image de gauche : bibliothèque de Bâle en Suisse, image de droite : mobilier Flexus distribué en France par EKZ)

Rendre les espaces visibles

Si la visibilité est si importante, cela signifie-t-il qu’il faut positionner un maximum de documents au niveau des yeux ? Pas forcément, car des rayonnages aussi hauts vont occulter tout ce qui se trouve derrière eux. Dans ce cas de figure, il vaut mieux opter pour des rayonnages un peu plus bas, qui vont rendre visible l’ensemble d’une zone. Le niveau idéal pour présenter des documents est en fait le niveau de la main : pour que des documents soient empruntés, ils doivent être à la fois visibles mais aussi accessibles. Ce n’est pas un hasard si le mobilier de présentation par excellence est une table avec un plateau situé à environ 80cm de hauteur : ce type de meuble permet de placer littéralement des documents sous les yeux mais aussi entre les mains des usagers.

Revenons à cette question de hauteur des rayonnages : s’ils sont placés contre des murs, il est moins gênant de les faire monter jusqu’au niveau des yeux… étant donné qu’il n’y a rien à voir derrière. Des rayonnages muraux, installés en enfilade, ou encore mieux en alcôve, permettent de balayer d’un seul regard un vaste pan de collection. Ce surcroît de visibilité et d’espace (en comparaison avec une implantation classique en épis linéaires) a un impact sur le comportement du public : les experts du merchandising ont observé que le nombre d’achats dans un point de vente est inversement proportionnel à la densité de rayonnages (source). Comme l’explique l’expert du merchandising Paco Underhill, “le temps passé par des chalands dans une zone donnée est directement proportionnel à la quantité d’espace ininterrompu (réel ou perçu) qui les entoure. Chaque fois qu’un rayon semble spacieux, que l’on peut regarder autour de soi et voir assez loin, on a envie d’y rester. A l’inverse, dès que l’on se sent enfermé, même si c’est une impression créée par l’architecture ou l’implantation des rayons, on ne pense qu’à partir.” (P. Underhill, La Science du shopping, Village Mondial, 2004)

Lorsque vous le pouvez, minimisez l’implantation en épis et optez plutôt pour des espaces dégagés, formant une unité thématique, avec des rayonnages repoussés en périphérie. Selon moi, cette implantation en alcôves thématiques (comparable à l’agencement que l’on retrouve fréquemment dans les grandes surfaces culturelles type Fnac ou Cultura), constitue la configuration idéale en bibliothèque publique (voir l’exemple de Coevorden ci-dessous).

Des rayonnages haut et disposés en épis linéaires occultent l’espace. Ils freinent le désir d’exploration et limitent les découvertes.

Des rayonnages implantés en alcôves thématiques (comme ici à la bibliothèque de Coevorden aux Pays-Bas) maximisent la visibilité de vos collections et incitent au butinage.

En bref :

  • Utilisez le facing pour augmenter la visibilité des documents. Réservez 30% de vos rayonnages à la présentation de face et utilisez des bacs en cascade.
  • Limitez l’utilisation du rayon du bas ou bien rendez les documents plus visibles en les présentant de face. Privilégiez le mobilier intégrant un socle ou des tablettes inclinées aux niveaux inférieurs.
  • Privilégiez le niveau de la main pour valoriser des documents.
  • Si vos rayonnages sont installés au milieu d’un espace, limitez autant que possible leur hauteur pour ne pas occulter l’espace situé derrière.
  • Limitez l’implantation des rayonnages en épis peu inspirants, préférez les alcôves thématiques.

Principe 2 : Simplifier les choix

Simplifier votre offre en la rétrécissant

Si vous avez suivi les consignes précédentes, vos documents et vos espaces sont maintenant bien visibles. Cette visibilité peut avoir un effet pervers : pour un usager, être confronté à un trop grand nombre de ressources simultanément peut-être vertigineux. En bibliothèque, on parle parfois de l’effet « mur de livres ». Les psychologues évoquent quant à eux le « paradoxe du choix » : avoir du choix est généralement une chose positive, mais lorsque les options sont trop nombreuses, le cerveau peut être saturé. On a alors tendance à jeter l’éponge, faute d’arriver à se décider. Pour résoudre ce problème, une première stratégie possible consiste à réduire votre offre.

Rassurez-vous : je ne pense pas au désherbage mais à des dispositifs tels que des tables de présentation et des sélections thématiques. Il est en effet bien plus facile de faire son choix parmi 30 documents installés et sur une table et présentés de façon attrayante que parmi 2000 documents rangés en rayon. L’impact des présentoirs est documenté depuis longtemps. Dans les années 80, Sharon Baker a observé que les documentés valorisés sur des tables sont 5 à 8 fois plus empruntés (source). Dans une enquête plus récente réalisée à Paris, ces documents sont 30 fois plus empruntés ! (source) Laisser vos chariots de retour à disposition du public peut également être une bonne idée car beaucoup d’usagers apprécient d’aller y picorer : au principe de simplification s’ajoute dans ce cas un phénomène de mimétisme : « si quelqu’un a emprunté ce document, pourquoi pas moi ? »

La stratégie du rétrécissement peut être appliquée à l’échelle d’une zone entière. Plutôt que de disperser différentes tables dans votre espaces, pourquoi ne pas en réunir plusieurs au même endroit, de façon à créer une petite « bibliothèque dans la bibliothèque » avec un choix restreint de documents présentés de façon attrayante ? Ce type de zone, que les anglophones appellent des « marketplaces » et les néerlandais des « markts », font le bonheur des butineurs et elles sont extrêmement performantes. Dans la bibliothèque centrale d’Ipswich en Australie, par exemple, les documents installée dans le marketplace sont 3 fois plus empruntés et 70% d’entre eux sont sortis en permanence.

Deux exemples de marketplaces : à la bibliothèque LocHal de Tilburg (Pays-Bas) et à Ipswich en Australie. Des zones de ce type représentent typiquement 10% des espaces publics.

Simplifier votre offre en la segmentant

La psychologie Sheena Iyengar a observé un phénomène intéressant dans le rayon presse d’un supermarché : des clients auxquels ont présente 400 magazines classés en 10 catégories se déclarent plus satisfaits et ont paradoxalement l’impression que l’offre est plus riche, en comparaison avec des clients auxquels ont présente 600 magazines sans les catégoriser (source). Une autre façon de simplifier les choix de vos usagers consiste, comme dans cet exemple, à fragmenter une offre importante en sous-catégories.

L’exemple de la presse est transposable tel quel en bibliothèque. Plutôt que de classer les périodiques par ordre alphabétique, utilisez un classement thématique. La même recommandation est valable pour la littérature : introduire des genres (polars, SF, romances, etc.) permet d’augmenter significativement l’utilisation des collections. Encore une fois, ce phénomène a été quantifié par Sharon Baker : dans les bibliothèques qu’elle a étudiées, un fonds de littérature dans lequel on introduit des genres peut être 3 à 4 fois plus utilisé (source).

Non seulement les genres littéraires sont un point de repère important pour certains lecteurs, mais leur introduction permet aussi, plus simplement, de découper un fonds ou un espace en sous-ensembles plus petits et donc plus faciles à explorer. C’est la raison pour laquelle il vaut mieux privilégier la séparation physique des différents genres plutôt que de simplement les identifier avec des étiquettes au dos des livres. Si les genres ne sont pas installés sur des meubles ou des tablettes différentes, l’impact sur les emprunts est presque totalement perdu : dans les recherches menées par Sharon Baker, les documents identifiés par une gommette sont 60% plus empruntés, au lieu de 350% s’ils sont physiquement séparés.

Tous ces modes d’étiquetage qu’affectionnent les bibliothécaires (gommettes, icônes, codes couleur…) présentent un autre inconvénient : ils nécessitent d’afficher un mode d’emploi. Mais qui à envie de perdre son temps en lisant des modes d’emploi dans un lieu public ?… Privilégiez plutôt, à chaque fois que vous le pouvez, des dispositifs intuitifs qui nécessitent un minimum d’explications

En bref :

  •  Simplifiez les choix de vos usagers en créant des tables thématiques. Pensez aussi à laisser vos chariots de retour à disposition du public.
  • Pour démultiplier l’effet de vos valorisations, réunissez-les sur une vaste zone dédiée de type « marketplace »
  • Segmentez des fonds importants (comme la presse ou les romans) en sous-ensembles plus faciles à explorer.
  • Lorsque vous identifiez des ensembles thématiques (comme des genres littéraires), privilégiez toujours une séparation physique plutôt que des gommettes, des icônes, des codes couleurs qui nécessitent des modes d’emploi.

Principe 3 : ne pas confondre valorisation et exposition

 Un peu de désordre ne fait pas de mal 

Dans mes conseils précédents, j’ai parlé plusieurs fois des tables de présentation. C’est un dispositif de merchandising très efficace comme on l’a vu, mais à condition d’être mis en place dans les règles de l’art. Il est notamment important que vos usagers comprennent bien que les documents sont valorisés, c’est-à-dire mis en avant pour être empruntés, et pas simplement exposés pour être observés (comme dans un musée).

Si cette confusion est présente dans l’esprit de votre public, vous constaterez qu’il hésite à se saisir des documents que vous lui proposez. Dans ce cas, évitez d’ajouter un panneau trivial indiquant « vous pouvez emprunter ces documents » ou « servez-vous ». Efforcez-vous plutôt de comprendre ce qui brouille votre message… Plusieurs explications sont possibles. Peut-être votre présentation est-elle trop ordonnée, trop soignée ou trop symétrique ? Peut-être y a-t-il trop d’accessoires ? Avez-vous installé des beaux-livres ouverts sur des double-pages ? Avez-vous affiché une liste des documents sélectionnés ?… Toutes ces micro-décisions évoquent une scénographie de musée ou une bibliographie déployée en 3 dimensions. Elles peuvent donner à vos usagers l’impression qu’ils vont dégrader votre travail ou « créer des trous » en empruntant des documents. La solution est simple : introduisez un peu de désordre sur votre table, ayez la main légère sur les accessoires, et n’affichez pas de bibliographie. 

Utiliser du mobilier de valorisations spécifique, au design approprié

Le mobilier d’exposition, tel que des vitrines, est une option à exclure radicalement, même si les portes sont ouvertes. De façon générale, évitez de détourner la fonction de votre mobilier, par exemple en transformant des tables de travail en tables de présentation. Certain usagers peuvent avoir l’impression que vos documents sont simplement abandonnés sur une table. Les plus téméraires peuvent même pousser les documents pour s’installer. Si vous n’avez pas les moyens d’acheter des présentoirs ou du mobilier spécifique, recouvrez la table que vous recyclez avec une grande nappe noire pour la transformer en un monolithe neutre. 

L’idéal reste de vous procurer du mobilier dédié aux valorisations. Malheureusement, les catalogues de fournisseurs spécialisés en bibliothèques ne débordent pas de choix. N’hésitez pas à jeter un œil du côté des entreprises qui équipent des commerces ou même à faire fabriquer ces meubles sur mesure. Au moment de l’achat ou de la conception, soyez bien attentif au design : certains meubles de présentation en forme de cube ou de parallélépipède intègrent des présentoirs en façade, avec des documents qui sont placés beaucoup trop bas. On peut faire le même reproche au mobilier en forme de pyramide : le premier niveau est souvent trop près du sol. Toutes les remarques que j’ai faites plus haut concernant le rayon du bas restent valables pour le mobilier de présentation : ne placez pas de documents en valorisation en dessous du niveau de la taille. 

En bref :

  • Supprimez la signalétique triviale comme « ces documents sont empruntables », essayez plutôt de comprendre pourquoi vos usagers hésitent à manipuler des documents valorisés.
  • Sur une table de présentation, évitez les scénographies trop figées et utilisez les accessoires avec parcimonie pour ne pas donner l’impression qu’il s’agit d’une exposition.
  • Proscrivez l’utilisation de mobilier d’exposition telles que des vitrines pour faire de la valorisation.
  • Utilisez du mobilier dédié plutôt que de recycler des tables de travail. Si vous manquez de budget, une simple nappe noire permet de transformer une table de travail en un bloc neutre.
  • Ne placez pas de documents en valorisation en dessous du niveau de la taille.

Principe 4 : Briser la monotonie

Utiliser des couleurs, des matières, des textures, des formes atypiques

L’aménagement intérieur des bibliothèques françaises est souvent homogène et peu stimulant. Les rayonnages sont blancs, alignés les uns derrière les autres, et les partis pris de décoration sont pour ainsi dire inexistants. Beaucoup d’architectes affectionnent cette esthétique clinique, qui rappelle les Apple stores des années 2010, car elle met en valeur les volumes qu’ils ont dessinés. Malheureusement, ce type d’ambiance, dénué d’aspérité, de variété et de stimuli sensoriels, est très peu inspirant. Au contraire, des ambiances colorées, des matières, des textures variées permettent de capter l’attention de vos usagers.

Les couleurs nous attirent littéralement : dans les lieux publics, les gens ont tendance à se tenir plus près d’un mur peint avec des couleurs vives que d’un mur blanc (source). Même le noir est intéressant : dans une zone de collections, des murs peint en noir permettent de focaliser l’attention sur les documents. Ce principe de la « boîte noire » est fréquemment mis en place aux Pays-Bas (vous pouvez voir ce que ça donne dans cette visite virtuelle de la bibliothèque d’Appingedam, dans le réseau de Groningen). 

Une couleur peut également introduire un sentiment d’unité dans une zone et ainsi contribuer à mieux l’identifier. Le mobilier et la décoration peuvent remplir la même fonction : n’hésitez pas à créer des univers différenciés, en associant dans chacun de vos sous-espaces une thématique, une couleur dominante, un style de mobilier bien marqués et quelques objets de décoration. Plus vos zones thématiques seront identifiées de façon intuitive, plus votre public prendra du plaisir à les explorer.

Un type de mobilier mérite par dessus tout de se distinguer : le mobilier de valorisation (dont la fonction unique est de capter l’attention). J’ai dit plus haut que la table était l’archétype du meuble de présentation, mais rien ne vous empêche de vous éloigner de ce modèle (soyez simplement vigilant à ne pas positionner de documents trop bas ou trop haut). Le dessin des présentoirs est beaucoup plus libre que celui des rayonnages. Même si l’aménagement intérieur de votre bibliothèque est sage et homogène, saisissez cette opportunité pour introduire un peu de fantaisie, de la couleur ou des formes originales dans vos espaces.

Quelques exemples de meubles de valorisation au dessin original. Toutes les fantaisies ne sont pas forcément pertinentes. Soyez notamment attentif à la hauteur des documents, qui sont souvent présentés trop bas à mon goût. En dehors de cette contrainte, d’innombrables choix de design sont possibles (photos : Charlotte Henard, Nicolas Beudon)

Introduire du mouvement dans vos espaces, introduire un rythme visuel dans vos rayonnages

 Il y a une autre façon de briser la monotonie dans vos espaces : introduire du mouvement. Des présentoirs faciles à déplacer, équipés de roulette, ou bien modulables, que l’on peut reconfigurer pour former différentes compositions, permettent de réagencer régulièrement une zone de valorisation et d’envoyer un message implicite à vos usagers : « Quelque chose a changé par ici, il se passe quelque chose, venez jetez un œil ! »

Des exemples de meubles faciles à déplacer ou à reconfigurer : tour Labyrinthe de BCI, cubes Maria de BCI, modules Pixel de Bene.

En ce qui concerne les zones de stockage équipées avec des rayonnages classiques, vous n’êtes pas condamnés à la monotonie non plus. Même s’il s’agit d’un type de mobilier par essence moins flexible que les présentoirs, la quasi-totalité des gammes d’étagères contemporaines dispose de tablettes modulables qui peuvent être enlevées, déplacées en hauteur, ou bien inclinées. Profitez de cette fonctionnalité pour introduire un rythme visuel dans vos collections.

Dans le monde du commerce, on retrouve souvent des configurations types dont l’objectif est de briser la linéarité des tablettes, comme la cheminée, le décalage, le damier ou la niche (voir l’exemple ci-dessous). Inspirez-vous de ces modèles, soit en jouant sur la disposition des tablettes soit en jouant sur le mode de rangement des documents (de dos, de face, en pile…). 

Des configuration types, utilisées dans les commerces, pour briser la linéarité des rayonnages.

En bref :

  • Utilisez des couleurs, des matières, des formes atypiques, des styles de mobilier ou de décoration différenciés pour attirer l’attention de vos usagerset rendre vos espaces plus intuitifs.
  • Utilisez du mobilier de valorisation mobile ou modulable et reconfigurez-le régulièrement pour donner le sentiment qu’il se « passe quelque chose ».
  • Le mobilier de valorisation typique est la table, mais de nombreuses autres options sont possibles. Des présentoirs aux formes ou aux couleurs remarquables captent l’attention.
  • Introduisez un rythme visuel dans vos rayonnages pour briser leur monotonie.

Envie d’aller plus loin ?

La plupart des conseils que je vous ai présentés dans ce billet sont inspirés  du livre de Paco Underhill, La Science du shopping, qui a été une vraie révélation pour moi. Il y a peu de manuels de merchandising que je recommande aux bibliothécaires car, en général, sur 300 pages, seules 3 ou 4 vont les intéresser. Au contraire,  La Science du shopping est un essai distrayant et plein d’anecdotes. Même s’il commence à dater, n’hésitez pas à le consulter.

Si vous cherchez des recommandations directement pensées pour les bibliothécaires, je vous invite évidemment à parcourir mon propre ouvrage, Le Merchandising en bibliothèque, qui a été publié par les éditions Klog en 2022. Enfin, puisque ce billet est le dernier d’une série consacrée à l’aménagement intérieur des bibliothèques basée sur le concept des 4 espaces, cette conclusion me donne l’occasion de les citer :

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